Les 1851 primes des fonctionnaires et tout ce que nous cache l’administration

Après le fiasco du logiciel Louvois de paie des militaires qui a coûté 400 millions aux contribuables, l’État a investi massivement pour la mise en place d’un système centralisé de paie de ses 2,5 millions d’agents. Ce dernier ne verra jamais le jour. Résultat, une nouvelle perte près d’un milliard d’euros ! 
La cause de ces échecs ? Les 1851 primes, les énormes différences d’un ministère à l’autre, les 4500 textes indemnitaires qui régissent la rémunération des agents de la fonction publique d’État, le brouillard volontaire qui entoure le système et qui bénéficie à l’administration…
La technocratie à la française est si compliquée (et coûteuse) que l’informatique a planté. Avant d’informatiser notre système, nos élus ont oublié l’essentiel : faire le ménage !

Une prime d’égout pour les membres du conseil d’État

La légende raconte qu’un rat mordit le mollet d’un membre du conseil d’État alors qu’il visitait le sous-sol. Heureusement, ces messieurs ont bénéficié depuis lors d’une « prime d’égout »  en plus de leurs confortables émoluments afin de compenser la dangerosité de leurs fonctions ! Ces messieurs perçoivent aussi un prime de bibliothèque.
Certaines primes sont anciennes, d’autres représentent des sommes dérisoires. On pourrait simplifier le système en supprimant la plupart de ces primes comme celle datant de 1948 allouée aux personnels travaillant dans les souterrains en béton et qui représente moins de deux euros par mois.
Les agents de la fonction publique se partagent en effet 1851 primes et indemnités dans l’opacité la plus complète.humour-salaires-des-fonctionnaires

Des primes qui augmentent la rémunération de 50 %

La part des primes dans la rémunération globale des fonctionnaires dépasse aujourd’hui les 28% dans la fonction publique d’État soit 10 points de plus qu’en l’an 2000.
C’est Bercy et ses 140 000 agents qui dominent le classement des primes avec un total de 144 primes et indemnités. Ainsi, un contrôleur des finances de catégorie B peut valoriser sa rémunération de 41% grâce aux primes. Ça monte à 51 % pour un inspecteur des finances de catégorie A.

Ainsi, selon une enquête de Thomas Bronnec et Laurent Fargues, un sous-directeur de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, a gagné du jour au lendemain 1500 euros de plus par mois, simplement parce que son administration avait été rattachée aux finances.

Les primes sont si nombreuses qu’un fonctionnaire nouvellement rattaché à Bercy racontait qu’il n’avait jamais eu autant de lignes sur sa feuille de paie et qu’il devait se renseigner pour en comprendre le sens.
Il fait également bon de travailler au ministère de l’écologie où 326 primes peuvent venir compléter le salaire des fonctionnaires. Le ministère de l’éducation nationale compte, quand à lui, 131 primes exclusives. Un conseillé à la cour des comptes confiait qu’il ne savait pas où trouver la liste des régimes indemnitaires.

Une opacité et une visibilité volontairement réduite sur les primes et les rémunérations

Comment expliquer une telle opacité ? La réponse est simple : la publication d’une telle liste révélerait l’étendue des privilèges dont bénéficie une partie des agents publics et permettrait aussi à ces derniers de se comparer entre eux. Ainsi, le rapport Blanchard de 1983 avait pour objet d’éclairer l’exécutif sur la nature, le montant et la répartition des indemnités. Plus de trente ans après, ce rapport n’est toujours pas publié et le mystère de ce rapport demeure encore entier. La culture du secret est telle que certains ministres ne connaissent même pas les primes de leurs plus proches collaborateurs. Ainsi, en 1995, Jean Arthuis devait attendre six mois pour obtenir la liste des primes des 250 agents les mieux rémunérés au ministère de l’Économie et des finances. Il l’obtint sur du papier non photocopiable !
Les primes sont si nombreuses et désorganisées que les doublons sont monnaie courante. A Bercy, l’indemnité mensuelle de technicité a pour objet de reconnaître le caractère technique de l’activité des agents. Mais elle se cumule avec d’autres primes dont l’objet est à peu près la même chose.
Pas étonnant dans ces conditions que l’informatisation de ce système fut un échec avec à la clé près de 1,5 milliards de gaspillages.

Le supplément familiale de traitement qui double les allocations familiales

Que dire du supplément familiale de traitement (SFT) qui double presque les allocations familiales des agents. Ce supplément comporte une part fixe, une part proportionnelle au traitement de l’agent et est fonction du nombre d’enfants à charge. Conséquences : les allocations familiales pour un salarié du privé s’étalent de 64 à 460 euros par mois. Le cumul allocations familiales + supplément familial de traitement, de 142 à 944 euros par mois. Une injustice criante et bien cachée. En effet, le supplément familial de traitement coûte finalement 1,3 milliards d’euros par an.

Confronté à la même problématique, le Royaume-Uni a pourtant réussit la mutualisation et l’informatisation de la gestion du personnel de ses principaux ministères fin 2014. Résultat : 500 millions de livres d’économies attendues chaque année.

Une prime de fusion qui devient mensuelle et qui coûte près de 60 millions

Si les primes ne sont pas rendues publiques, c’est essentiellement parce que les syndicats de la fonction publique s’y opposent.
Certaines primes sont aussi le résultat de mobilisations syndicales comme la prime de « fusion » qui touche les fonctionnaires de Bercy suite à la fusion entre la direction générale des impôts et la direction de la comptabilité publique. Il avait été décidé que cette prime de 350 euros serait versée à tous les agents de la direction générale des finances publiques pour un coût total de 59,5 millions d’euros.
Si le principe d’une telle prime est déjà contestable en soi, la Cour des comptes s’étonnait qu’elle ait été accordée à l’ensemble du personnel. L’histoire ne s’arrête pas là : ce coup de pouce exceptionnel n’est pas versé que l’année de la fusion mais mensuellement. En effet, le chantage syndical a permis d’intégrer la prime de fusion à celle, mensuelle, de technicité !

Sources : le livre d’Agnès Verdier-Molinié : on va dans le mur…

3 comments

  1. VIOLA Marie-Thérèse dit :

    j’aimerais juste qu’on ne fasse pas d’amalgame. Je suis fonctionnaire catégorie C, depuis sept 1994, donc 21 ans de fonction publique. Je touche, prime comprise, 1480 € net par mois. Il y a bien sur des fonctionnaires favorisés, mais certainement pas les catégories C. Il ne faut pas dire tout et n’importe quoi, mais bien différencier les personnels. Un fonctionnaire n’est pas forcément ni un tire au flanc, ni un favorisé, ni un escroc. Je pense, comme beaucoup de mes collègues, être également quelqu’un à qui la notion de service public veut encore dire quelque chose

    merci

    • Ecopolitique dit :

      Bonjour Marie-Thérèse,

      Bien entendu, vous avez raison. Ces avantages concernent les cabinets ministériels, les agences de l’Etat et tout ce qui entoure la politique.
      Rien qu’à Bercy, on compte 140 000 agents, ce n’est pas rien.
      Des agents de catégorie A ou B avec des dizaines de primes différentes on ne les trouve pas dans les hôpitaux, c’est sûr !

    • Mylene dit :

      Je confirme les dires de Marie-Thérèse ! Je suis également fonctionnaire de catégorie C dans l’Education Nationale et après 11 ans d’ancienneté je touche 1485€ primes incluses alors je ne sais pas où sont les 131 primes…
      Donc merci d’être très clair car y en a marre des amalgames et des gens qui mettent tous les fonctionnaires dans le même panier !
      Non la majorité des fonctionnaires n’a pas un salaire moyen de 2400€ on en est même très loin puisqu’il se situe plutôt aux alentours des 1400€

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
To prove you're a person (not a spam script), type the security word shown in the picture. Click on the picture to hear an audio file of the word.
Anti-spam image